DÉTERMINÉ

Étude de cas - Découvrez mes méthodes de travail au travers de projets passionnants.

Pitch du projet

Etalonnage d’une websérie de 5 épisodes de 10-15mn chacun, tournée en Guadeloupe et servant à promouvoir le prochain album de Slk Blaze (Emmanuel Gane).
Ce dernier se met en scène dans cette fiction racontant son accident de moto, son processus de rétablissement et sa volonté de se battre pour réaliser ses rêves.
Extrait du brief créatif : « Un look cinématographique, des couleurs intenses, plusieurs ambiances différentes selon la scène, de la texture (grain, halation). »
Moodboard et références fournies par Emmanuel.

Une préparation de projet minutieuse

Mieux vaut passer du temps à peaufiner son workflow plutôt que d’aller trop rapidement et prendre le risque de s’apercevoir de défauts dans son processus de travail ! J’accorde autant d’importance à la façon dont est construit un étalonnage qu’au résultat final. J’essaie de garder en tête que, si le projet venait à être confié à une autre personne (monteur, assistant étalonneur…), il faut que le projet soit organisé et clair.
A partir de ce premier brief et après plusieurs échanges pour mieux cerner le projet, je reçois les cinq épisodes et récupère toutes les informations techniques dont je pourrai avoir besoin auprès d’Emmanuel (caméras utilisées, espace log…).

Nous travaillons tous les deux sur Da Vinci Resolve, ce qui nous permet un processus d’échange de fichiers simplifiés. Première étape, la préparation du projet : prendre connaissance des différentes images et s’en imprégner, commencer à identifier les caméras utilisées, préparer les groupes au sein du projet (1 caméra = 1 groupe dédié). C’est aussi à ce stade du projet que je décide de l’espace colorimétrique de travail du projet : après plusieurs tests, j’opte pour Da Vinci Wide Gamut Intermediate, qui permet de convertir tous les rushes, indépendamment de leur espace colorimétrique d’origine, vers un espace commun, puis de les convertir vers l’espace de visionnage souhaité (ici, Rec709 gamma 2.4 qui correspond au standard pour le web).

Une méthodologie « futureproof »

L’utilisation de cet espace colorimétrique permet au projet d’être « futureproof », c’est-à-dire qu’il suffira d’un simple changement de paramètre à la fin du process pour changer l’espace de sortie : il devient donc très simple de convertir le projet pour une sortie HDR, DCI-P3 (cinéma), Dolby Vision, etc…
Ainsi, chaque groupe de caméra est converti de son espace d’origine à l’espace intermédiaire, pour être ensuite compressé vers l’espace de sortie.
L’étalonnage se fait entre ces deux étapes.

Le développement du « look » : un aspect essentiel

Une fois le projet préparé, commence le « look developement », qui consiste à créer une esthétique globale et unique au projet. Il s’appliquera à tous les plans, indépendamment de leur caméra d’origine, de la séquence ou de l’épisode. Cela permet d’obtenir une harmonie dès le départ, notamment avec la création d’une courbe tonale (contraste) personnalisée et commune à l’ensemble du projet.

C’est également à cette étape qu’on définit la palette générale du projet. J’aime utiliser un « ShowLUT », une LUT conçue par des professionnels de science des couleurs qui permet d’obtenir une base solide. Ici, j’ai choisi une LUT qui aille dans le sens du brief client : elle apporte à la fois du split-toning, des changements subtils de teinte sur certaines couleurs, de la profondeur de couleur et également une base de contraste intéressante. Il est important de tester ce qu’on a construit sur différents plans, différentes séquences, pour s’assurer que l’esthétique créée soit pertinente sur l’ensemble des plans, afin de ne pas avoir à constamment réajuster des paramètres au niveau individuel.

C’est également à ce stade du projet que l’on définit la texture, car un étalonnage ne se compose pas que d’ajustements de luminosité, de contraste ou de couleur : la texture de l’image a également toute son importance, d’autant plus dans un projet qui vise à se rapprocher d’une esthétique de film. En accord avec Emmanuel, nous avons donc rajouté du grain (35mm) et du halation. L’utilisation d’un filtre ProMist au tournage a permis un rendu de l’image très doux, avec un effet de « bloom » autour des hautes lumières et des contours moins marqués : en conséquence, aucun traitement de floutage de l’image ou d’adoucissement des contours n’a été nécessaire.
Il est important pour l’étalonneur d’être impliqué le plus tôt possible dans la production du projet afin de pouvoir conseiller les équipes de tournage et prévoir d’éventuelles difficultés. Ici, l’attention portée par Emmanuel a permis d’obtenir une image brute déjà très flatteuse, dont il m’appartenait de sublimer le travail réalisé au tournage.

Une fois l’esthétique globale posée, je m’occupe de créer des variations de ce premier look sous forme d’un « lookbook » : une planche regroupant l’ensemble de mes propositions d’étalonnage pour le projet. Cette planche est ensuite soumise au client sous forme d’une vue split-screen ainsi que d’images individuelles de chaque proposition en haute qualité, afin qu’il puisse faire son choix et s’arrêter sur une proposition, que nous validons ensemble et qui constituera la base non-modifiable du projet.

Un processus en entonnoir

Une fois l’un des looks validés, je procède à l’étalonnage individuel de chaque plan, qui recevra une série d’ajustements qui lui sont propres. Ces changements se font en amont du look dans la chaîne de travail. Ainsi, le look sera la dernière « couche » appliquée et donc toujours la même d’un plan à l’autre.

Schéma nodal : Conversion des images de chaque caméra > étalonnage au niveau individuel > modifications éventuelles demandées par Emmanuel > look developement > conversion vers l’espace de sortie.

A ce stade du projet, le but est d’harmoniser chaque plan, de le corriger si besoin (ce qu’on appelle le color correction) : ici, mon processus est très simple et se compose d’une base de quatre étapes : l’exposition, le contraste (ratio), la balance et un nœud dédié aux courbes HSL si j’ai besoin d’ajuster de petites choses. Cette base est systématiquement la même pour chaque plan, mais à cela peuvent s’ajouter d’autres étapes si le plan en requiert l’utilisation. Certaines séquences ont nécessité l’utilisation d’un effet spécifique à la scène, par exemple dans l’épisode 2 où Emmanuel voulait que la séquence de nuit dans la voiture ait un feeling de souvenir, de rêve. Nous avons donc effectué plusieurs tests et avons fini par choisir d’utiliser l’effet « bloom » que propose Dehancer, l’un des plugins externes que j’utilise régulièrement pour l’émulation de film.

Vient ensuite l’étape du shotmatching : mon objectif est d’harmoniser, au sein d’une même scène ou séquence, les plans entre eux, notamment s’il s’agit de plusieurs angles de caméra ou de matcher le rendu de caméras différentes (ici, Sony, Panasonic et drone). Les plans drone par exemple ont nécessité un traitement différent afin d’être harmonisés aux plans Sony et Panasonic. L’idée à travers le shotmatching est d’effacer ou d’atténuer au maximum les différences d’abord entre les caméras, puis entre les séquences et enfin les plans eux-mêmes (voire même entre les plans provenant d’une même prise, où la lumière aurait changé). On parle alors de créer du « flow », pour que la vidéo soit agréable à regarder et que l’œil ne perçoive pas de différence majeure, sauf volonté spécifique du réalisateur.
Car au final, le rôle de l’étalonneur est de ne pas se faire remarquer : son travail doit rester invisible aux yeux du spectateur.

Un travail collaboratif à toute étape du projet

Aucune validation ne se fait sans l’accord d’Emmanuel et ce, à chaque étape du projet. L’étalonneur est au service de la direction esthétique souhaitée par le réalisateur et n’est pas ici pour imposer son propre point de vue. En revanche, il peut apporter des propositions nouvelles ou encore donner des conseils notamment sur ce qui est techniquement possible ou non, à partir de la matière source sur laquelle nous travaillons. Je mets un point d’honneur à faire de chaque projet une véritable collaboration dans laquelle communication et bienveillance sont au cœur de mon travail.

Nous avons fait le choix de rester en communication étroite tout le long du projet et d’effectuer un bilan au terme de chaque journée de travail afin de faire le point sur l’avancée, les éventuelles difficultés rencontrées et ce qu’il restait à faire.

Une fois la première passe prête, j’envoie pour chaque épisode la V1 à Emmanuel sous forme d’un fichier projet qu’il peut ensuite ouvrir de son côté, et à partir de là, nous voyons ensemble ce qui pourrait être amélioré ou changé. Emmanuel peut ensuite m’adresser une liste de modifications à effectuer et nous les prenons point par point pour en discuter et envisager des solutions adaptées. L’idée pour moi à ce stade du projet est de trouver la solution la plus efficace et la moins complexe pour arriver au résultat désiré.

Nous procédons ainsi jusqu’à validation finale du projet, déterminée par Emmanuel.

"Alexane a su m’accompagner et me guider dans mon projet avec beaucoup de pédagogie. Elle fait preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’écoute , elle a respecté les délais de livraison et a été force de proposition. Son savoir-faire, ses conseils ainsi que sa touche artistique ont sublimé l’image . Je garde un très bon souvenir de cette collaboration , je n’hésiterai pas une seconde à renouveler l’expérience."

Emmanuel GANE